Conférence de monsieur Bertrand Ouellet, directeur général, Communications et Société, lors de la Conférence présentée au Colloque de Communications et Société, le 2 février 2001 au Centre St-Pierre

 

Appelé à prononcer l’allocution d’ouverture du colloque sur L’Internet dans la mission de l’Église, le 2 février dernier, j’ai d’abord eu l’idée de faire un rapide survol des changements rapides qui se sont produits, en quelques années, dans le domaine des communications électroniques. Après tout, cela fait un peu plus de trente ans que je travaille avec des ordinateurs. Comment envisageait-on l’ordinateur et son avenir en 1971? En 81, et dix ans plus tard?

Au début des années 70, j’étais étudiant à l’École Polytechnique de Montréal, en génie électrique. L’ordinateur était alors une sorte de machine mythique, énorme, gardée dans un temple bien protégé qui n’était accessible qu’aux initiés. Nous, étudiants, devions laisser nos suppliques à l’entrée, sous la forme d’une pile de cartes perforées et revenir le lendemain recevoir l’oracle (qui nous disait généralement que nous nous étions trompés quelque part et qu’il fallait recommencer...). L’ordinateur ne comprenait que des langues ésotériques (comme le FORTRAN ou le COBOL). Il n’y avait ni écran ni clavier et aucune possibilité d’interaction en direct avec l’usager. Il fallait attendre que la machine lise nos cartes, les traite et nous imprime un résultat. À cette époque, aucun d’entre nous ne pensait à la possibilité de posséder un ordinateur plus tard.

Dix ans plus tard, pourtant, nous entrions dans l’ère de la microinformatique. En janvier 1983, le magazine américain Time choisissait l’ordinateur comme personnalité de l’année: « The Machine of the Year », pouvait-on lire en page couverture; « The Computer Moves In ». Mais à cette époque, nous devions encore écrire nous-mêmes laborieusement nos programmes (le mot « logiciel » n’était pas encore entré dans l’usage): ceux-ci devaient être faits sur mesure et nous ne pensions pas qu’avant longtemps ils se vendraient comme des livres ou des disques. Pourtant...

Au début des années 90, nous étions tous familiers avec les logiciels de traitement de texte, de calcul ou de dessin. Nous utilisions des souris et nous cliquions, coupions et collions. Nous pouvions même acheter des jeux de toutes sortes. Mais peu de gens utilisaient leur ordinateur pour communiquer et personne n’avait entendu parler de sites web.Alors, comme on dit couramment, « si la tendance se maintient », la situation en 2011 sera extrêmement différente de ce que l’on connaît maintenant. Ce que nous appelons maintenant « l’internet » aura sans aucun doute été remplacé par quelque chose de beaucoup plus efficace et polyvalent. La convergence des médias et le multimédia n’en sont que des signes avant-coureurs.

Ces réflexions faites, je me suis dit que je pourrais bien commencer mon allocution du 2 février par une sorte de déclaration apocalyptique, du genre: « Repentez-vous! La fin est proche! Les jours de l’internet sont comptés! », histoire de mettre en évidence la rapidité des transformations. Histoire aussi de souligner l’urgence de s’impliquer dans ces nouveaux moyens de communications sous peine de se retrouver loin derrière.

De fait, ce que nous voyons se développer à si grande vitesse, c’est un nouvel environnement de communication et d’accès à l’information.

On a beaucoup parlé de l’impact des médias de masse sur la culture — devenue la culture médiatique — et sur le défi que cela posait à l’Église, notamment en termes d’inculturation et de langage. Il n’est pas interdit de penser que la convergence actuelle des moyens de communications et des technologies de traitement de l’information aura un impact au moins aussi grand.

Du chemin d’Emmaüs aux routes virtuelles

Comme, dans le cadre de ce colloque, l’Internet était considéré dans le contexte de la mission de l’Église, je voulais donner le ton en ajoutant une dimension biblique qui pourrait inspirer des initiatives pastorales dans ce domaine.Comment faire?

J’ai d’abord pensé à la mer. Les familiers de l’internet disent souvent qu’ils surfent sur le net, ou encore qu’ils naviguent . Un logiciel s’appelle même le Navigateur. Mais cela évoquait d’abord pour moi Noé et le déluge, le naufrage de Jonas et celui de saint Paul, les tempêtes sur le lac de Galilée. Restons sur la terre ferme, me suis-je dit. Ne prenons pas le risque de couler.

J’ai plutôt retenu les images du chemin et du pèlerinage. Après tout, on compare souvent l’internet à une route sur laquelle on part à la recherche d’information.

Marcher avec Dieu

Le prophète Michée devait un jour répondre à quelqu’un qui lui demandait ce qu’il fallait faire pour plaire à Dieu. De riches offrandes? Des sacrifices en grand nombre? La réponse de Michée est un des sommets de la Bible et un magnifique résumé de l’enseignement des prophètes: « On t’a fait savoir, homme, ce qui est bon et ce que le Seigneur réclame de toi: rien d’autre que d’accomplir la justice, aimer la bonté (miséricorde) et marcher humblement avec ton Dieu. »

Marcher avec Dieu. N’est-ce pas une façon lumineuse de parler de la foi? Avoir la foi n’est pas avoir trouvé ni être rendu au terme. Marcher veut dire progresser, mais aussi chercher. Le croyant est un pèlerin. Un pèlerin qui n’est jamais seul.Le chemin des chercheurs de Dieu traverse toute la Bible. Abraham se mit en marche, sur l’ordre de Dieu, sans savoir où il allait. « Pars pour le pays que je te montrerai », lui dit le Seigneur. Abraham sait qu’il n’est jamais seul. Régulièrement, il s’arrête et il construit un autel près de son campement: Dieu est avec lui.

À la suite d’Abraham, des générations de croyants ont emprunté le même chemin. Je me suis imaginé sur ce chemin, les rencontrant les uns après les autres. Et voilà que je vois approcher des Mages, partis d’Orient comme Abraham. Ils ont vu un signe dans le ciel, disent-ils, une étoile les guide. Mais à Jérusalem, ils ont besoin d’aide. Ils viennent frapper à la porte des savants, les interrogent. On leur répond, mais on refuse de faire route avec eux. Par la lumière de l’étoile, par les Écritures, Dieu était avec eux. Même quand ils cherchaient, ils marchaient avec lui.

Quittant Jérusalem, je vois deux pèlerins, tristes et déçus. C’est le soir de Pâques. Ils se dirigent vers le village d’Emmaüs. Jésus les avait inspirés. Ils avaient mis leurs espoirs en lui. Sa mort les a démolis. Mais la compagnie discrète du Ressuscité sur le chemin leur permet progressivement de comprendre les Écritures, de le reconnaître dans le pain partagé. Par sa Parole, par son Pain, le Seigneur était avec eux à toutes les étapes du voyage. Même quand ils cherchaient, ils marchaient avec lui.

Plus loin, en allant vers Gaza, je vois le char d’un fonctionnaire éthiopien s’en retournant chez lui après un pèlerinage à Jérusalem. Il lit, sans comprendre, le livre du prophète Isaïe. Philippe, guidé par l’Esprit, s’approche et, chemin faisant, lui explique ce qui concerne Jésus dans les Écritures. Voyant de l’eau, l’Éthiopien demande le baptême. Par les Écritures, par le témoignage de foi, par l’eau du baptême, le Seigneur fut avec lui tout au long du chemin. Même quand il cherchait, il marchait avec Dieu.

Pèlerins du cyberespace

La foule des chercheurs de Dieu est toujours en marche. Le chemin emprunte maintenant des détours nouveaux, surprenants. Parti de Chaldée, passant par Jérusalem, Emmaüs et Gaza, il se prolonge même sur l’autoroute de l’information, sur les voies de l’internet. On y rencontre des mages, suivant quelque étoile, cherchant un guide, frappant à nos portes. On y rencontre des pèlerins qui n’ont pas encore trouvé la foi, mais que le personnage de Jésus fascine. On y rencontre des chercheurs de Dieu séduits par les Écritures et cherchant à les comprendre.

Ces mages, ces pèlerins, ces chercheurs de Dieu trouveront-ils la Lumière de la Parole, le Pain de la Vie, l’Eau de la nouvelle naissance? Il leur arrivera sans doute encore de frapper à la porte de savants qui, comme les scribes d’Hérode, refuseront de les accompagner dans leur quête de Dieu. Heureusement, l’Esprit suscitera toujours des Philippe pour marcher avec eux. Même sur l’internet.

Références:

Abraham quitte son pays au chapitre 12 de la Genèse. La citation de Michée est au chapitre 6 du livre qui porte son nom, versets 6 à 8. Le récit des Mages est au chapitre 2 de l’évangile selon saint Matthieu; celui d’Emmaüs, au chapitre 24 de saint Luc; celui de la rencontre de Philippe et de l’Éthiopien, au chapitre 8 des Actes des Apôtres.

 

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