Lorsqu'il nous arrive de nous rendre au cimetière c'est dans la même intention que celle des deux Maries de notre récit, nous recueillir sur la tombe d'un être cher. Les pierres qui nous y entourent portent des inscriptions : ci-gît un tel, ici repose tel autre, là un simple nom, une date naissance et de mort, indique l'endroit où trouver la personne que nous cherchons. Le tombeau de Jésus a ceci de particulier et d'unique qu'on y doit mettre une épitaphe toute différente, la parole d'un ange : Il n'est point ici !
Le christianisme a reconnu un sceptique est la seule religion fondée sur une tombe vide. C'est sur ce tombeau vide que je veux vous entretenir ce matin. Pour rassembler nos pensées en ce culte de Pâques, il nous faut commencer pareillement aux femmes et aux disciples par nous rendre au sépulcre de Jésus.
De la contemplation de la tombe vide nous tirerons deux parties principales : un la réalité de la résurrection, deux l'importance de la résurrection.
I) La réalité de la résurrection
Le plus formidable obstacle à la connaissance de Dieu ne réside pas dans l'incrédulité naturelle de notre cœur, ou dans le scepticisme propre à la science. Thomas affirmait bien haut son incrédulité et pourtant il a été vite convaincu ; il y a des grands savants qui se déclaraient athées et qui se sont ensuite convertis et ont proclamé leur foi en Jésus-Christ. Non, l'obstacle insurmontable celui qui anéantit toute espérance de parvenir un jour à une foi vivante n'est pas l'incrédulité mais l'hypocrisie. Cette hypocrisie que Jésus a condamnée si souvent et si sévèrement dans la personne des pharisiens et qui est d'autant plus invétérée qu'elle se caractérise plus par la tromperie envers soi-même qu'envers les autres. Etre hypocrite dans le langage biblique, c'est mentir à sa propre conscience, offenser l'amour inné de la vérité, c'est aveugler nous-mêmes notre sens moral.
En face de la tombe vide l'incrédule s'écrie : "je croirai bien plutôt à toute autre explication qu'à une idée aussi absurde que celle de résurrection". Dans sa réaction spontanée, passionnée peut-être, on peut encore discerner un espoir pour lui. Le témoignage apostolique du récit des évangiles, l'argumentation des croyants pourra encore toucher sa raison et puis son cœur.
Mais l'hypocrite à qui on montre la pierre roulée et le corps absent tient un tout autre discours : "Jésus est-il vraiment ressuscité ? Il ne faut pas, dit-il, mélanger les questions d'histoire et de foi. La résurrection n'appartient pas au domaine de l'histoire, elle le transcende pour atteindre celui de la foi. Ainsi cela n'a pas de sens de demander si la résurrection a réellement eu lieu. Et ça n'a d'ailleurs pas non plus d'importance ; ce qui importe c'est le phénomène du christianisme ; il ne faut pas confondre le Jésus historique, dont on ne peut rien dire ou si peu, et le Jésus des chrétiens."
Tout homme en qui réside un reste de bon sens et d'honnêteté intellectuelle, croyant ou non, ne pourra être que révolté, dégoûté même par un tel langage. Ne peut-on plus parler selon la vérité ! Ou la tombe était vide, ou elle ne l'était pas. Ou il y a eu résurrection ou il n'y a pas eu résurrection. Il ne s'agit pas ici de métaphysique mais de faits qui se sont passés ou qui ne se sont pas passés.
Voici les paroles de Paul à ce point de vue, dans la première aux Corinthiens, chapitre 15 :
Je vous rappelle, frères, l'Evangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous avez persévéré, et par lequel vous êtes sauvés, si vous le retenez tel que je vous l'ai annoncé; autrement, vous auriez cru en vain.
Je vous ai enseigné avant tout, comme je l'avais aussi reçu, que Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures ; qu'il a été enseveli, et qu'il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures ; et qu'il est apparu à Céphas, puis aux douze.
Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois, dont la plupart sont encore vivants, et dont quelques-uns sont morts. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres.
Après eux tous, il m'est aussi apparu à moi, comme à l'avorton ; car je suis le moindre des apôtres, je ne suis pas digne d'être appelé apôtre, parce que j'ai persécuté l'Église de Dieu. Par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n'a pas été vaine; loin de là, j'ai travaillé plus qu'eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi.
Ainsi donc, que ce soit moi, que ce soient eux, voilà ce que nous prêchons, et c'est ce que vous avez cru. Or, si l'on prêche que Christ est ressuscité des morts, comment quelques-uns parmi vous disent-ils qu 'il n'y a point de résurrection des morts ? S 'il n'y a point de résurrection des morts, Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et votre foi aussi est vaine.
Il se trouve même que nous sommes de faux témoins à l'égard de Dieu, puisque nous avons témoigné contre Dieu qu 'il a ressuscité Christ, tandis qu'il ne l'aurait pas ressuscité, si les morts ne ressuscitent point. Car si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés, et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus.
Si c'est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes. Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts.
Par ces paroles Paul désavoue absolument toutes ces attitudes hypocrites qui tentent d'ôter à la résurrection son caractère d'événement historique, matériel, réel, pour lui substituer un sens symbolique, mythique, ou seulement spirituel.
Le point le plus frappant est que Paul s'accuse lui-même, dans le cas où la résurrection n'aurait pas eu lieu, d'être un faux témoin contre Dieu. Attribuer à quelqu'un un acte qu'il n'a point commis, en bien ou en mal, c'est témoigner contre lui. Il s'accuse encore, et tous les chrétiens avec lui, d'être les plus malheureux, pour ne pas dire le plus imbécile, de tous les hommes.
Ce passage s'il ne prouve pas la réalité de la résurrection, montre résolument que ce que Paul entend par résurrection ne peut-être en aucun cas une image, un souvenir ou une parabole, c'est un fait qui doit avoir eu lieu ou ne pas avoir eu lieu.
Revenons donc devant l'entrée du tombeau et examinons ensemble, avec les sceptiques loyaux qui veulent bien prendre les déclarations des témoins pour ce qu'elles sont sans donner un autre sens à leurs paroles. Il nous faut expliquer l'absence du corps. Les hypothèses, on en a fait maintes fois le tour depuis 2000 ans.
D'abord les récits évangéliques, seraient-ils mensongers et composés dans le but d'éblouir le lecteur. Mais on connaît le caractère de ceux qui l'on écrit, des gens pieux, tremblant à la pensée d'offenser le Dieu de la Bible. Comment auraient-ils oser rapporter à son sujet, comme le dit Paul, des paroles ou des faits de leur propre invention. ? Qu'on les accuse d'être naïfs, si l'on veut, mais astucieux ou affabulateurs, c'est psychologiquement inacceptable.
Il ne reste plus que la supposition que les disciples se soient trompés de bonne foi, comme Jeanne d'Arc qui a cru entendre des voix. Cependant puisque la tombe était vide, le corps a été ôté. Il n'a pas pu être pris par les disciples si on admet leur sincérité. Ou alors Jésus n'était pas réellement mort ; mais dans ce cas comment expliquer sa marche avec les disciples d'Emmaüs, la rapidité avec laquelle il fait ensuite le chemin inverse jusqu'à Jérusalem ? Cette hypothèse ne tient pas. Et où aurait-il fini sa vie ? Et puis, si l'on reconnaît la bonne foi des disciples qu'en serait-il dans ce cas de celle de Jésus ?
On a beaucoup parlé de l'hypothèse des visions ; il faudrait dans ce cas une hallucination collective de 500 personnes, ce qui est inadmissible. Puis comment expliquer la disparition soudaine des visions après la Pentecôte alors que l'excitation était à son comble ?
Et surtout, demeure toujours l'énigme du corps. Les juifs l'auraient-ils pris ? mais cela est en contradiction avec ce que nous avons lu : ils voulaient à tout prix empêcher cette croyance en la résurrection, et il n'auraient pas manquer de produire cette pièce à conviction qui aurait démenti absolument l'affirmation des disciples.
Devant la tombe vide de Jésus nous devons donc conclure qu'il s'est passé un fait inexplicable dans la nuit du samedi au dimanche de Pâques. Nous ne pouvons prouver la résurrection, mais nous pouvons réfuter toutes les autres explications. Si la résurrection a eu lieu elle est un fait ; ce fait nous ne pouvons pas aujourd'hui le constater en tant que fait. La foi dans la résurrection s'acquiert par un autre moyen que celui des arguments que nous avons développés. C'est maintenant qu'il est temps de parler de l'importance de la résurrection.
I) L'importance de la résurrection
Soit, admettons qu'un phénomène unique, inexpliqué, inexplicable se soit passé il y a tant de siècles, dans un tombeau de Palestine... Mais n'y a-t-il pas bien d'autres énigmes historiques dont nous n'aurons probablement jamais la clef ?
Sans doute, cependant de tous les miracles la résurrection est le plus prodigieux. Elle n'est pas l'apparition d'un être issu d'une sphère supérieure, elle est la victoire définitive d'un homme sur la mort, un homme devenu immortel : Jésus ressuscité des morts ne peut plus mourir.
Si la résurrection a eu lieu nous ne pouvons l'attribuer qu'à Dieu lui-même, comme le dit Pierre : Dieu a ressuscité Jésus. La résurrection est avant tout un fait divin.
Ce fait divin ne peut être un phénomène irrationnel, qu'il aurait manifesté capricieusement pour nous étonner. Il est l'aboutissement d'une œuvre majeure et volontaire de Dieu. De même que l'homme est le couronnement de sa création, la résurrection de Jésus-Christ est le sommet de son travail spirituel sur l'humanité.
Jésus est le fruit promis à l'humanité depuis le début de son histoire, fruit parvenu à sa maturité après un très long travail sur celle-ci. Dans l'incarnation Dieu apparaît caché, les détails de sa conception dans le sein de Marie ne sont pas l'objet premier de la proclamation de l'Evangile ; mais dans la résurrection nous contemplons Dieu révélé.
L'identification de Jésus avec la race humaine ; c'est là la plus fascinante, la plus vertigineuse des énigmes. Nous sommes venus au monde sans le vouloir. Nous naissons pécheurs, c'est à dire inclinés au mal, pareillement. Les hommes sont donc liés avec le premier Adam sans pouvoir s'en dégager. Jésus s'est identifié avec nous pécheurs sans que nous le lui demandions, avant même que nous existions. Au temps de sa patience, Dieu a pardonné, sachant qu'il payerait lui-même la longue dette accumulée.
En Jésus crucifié je puis contempler mon péché. Jésus a fait plus qu'être condamné à ma place, il a expié mon péché. Expier c'est reconnaître parfaitement le droit de Dieu, c'est confesser le mal comme Dieu même le voit, et cela seul un être saint peut le faire, j'en suis moi, incapable.
Jésus est mort chargé de mes péchés également sans que je le lui demande. Sa résurrection n'a pas pour but de prouver qu'il était lui-même sans péché, car cela nous le savions déjà. La résurrection n'est donc pas un miracle premièrement en sa faveur, mais en la mienne : Jésus s'est porté caution pour moi ; la caution a été acceptée, l'acquittement a été prononcé par le juge, je suis donc libre, et par conséquent, Jésus aussi : il est ressuscité pour notre justification.
Conclusion
Devant la tombe vide, nous sentons le lien mystérieux qui nous unit à Jésus. Les liens les plus forts qui nous unissent à des êtres sur cette terre sont des liens familiaux. Nous sommes liés à notre conjoint, à nos enfants, et cela non pas parce que nous les connaissons bien, mais en vertu d'une alliance, en vertu d'une volonté d'amour. Un lien plus puissant encore m'unit à cet homme unique dont je n'ai jamais vu le visage ; il a pris sans que je le connaisse une des choses les plus intimes de ma vie : mon péché ; il l'a payé, il l'a expié. En lui je puis contempler mon acquittement.
En se baissant comme Jean devant le tombeau, regardons les linges mortuaires, rappels du supplice, rappels de l'ennemi vaincu ; et se penchant encore un peu plus, on pourrait comme l'a dit un commentateur, apercevoir les débris de cet acte de condamnation qui subsistait contre nous, et que Dieu a déchiré, quand Christ à notre place, a bu jusqu'au bout la coupe amère.
Venons donc souvent au tombeau de ce celui qui est désormais notre vie, redire avec l'émotion de Pâques : il n'est pas ici ! ; mais il est là, dans mon cœur, dans le ciel aussi, où il m'a préparé une place. Là où il est, je serai.
"Mais Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous."Romains 5:8
"Il a effacé l'acte dont les ordonnances nous condamnaient et qui subsistait contre nous, et il l'a détruit en le clouant à la croix."Philippiens 2:14
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